À la fois souple, élastique, résistant, il se met en forme pour épouser parfaitement les formes de votre cheval, ne blesse pas, protège et amortis… il serait long d’énumérer toutes les qualités de cette matière, qui en plus vieilli très bien au point de vous accompagner sans broncher pendant de (très) longues années.
Oui mais, allez-vous me dire, on voit aussi souvent des cuirs rigides, cassants, racornis, ou au contraire tout mous comme du chewing-gum, et dans les deux cas prêts à lâcher ; ce qui rappelons-le peut représenter un véritable danger pour le cavalier, son cheval, et même l’entourage en cas de sur-accident. Alors pourquoi votre cuir est prêt à vous abandonner alors que vous l’avez nettoyé, bichonné, graissé, lustré… avec tout votre amour ?
Pour trouver la réponse à cette question, il est nécessaire de remonter dans l’histoire, dans la vie de votre cuir. Je ne parle pas du moment où vous l’acheté, non non, bien avant !
D’où vient le cuir ?
Le cuir, il ne faut pas se voiler la face (et je ne veux froisser personne !), est la peau d’un animal. Pour du cuir de sellerie, il s’agit généralement de bovins. Cette peau, à la base putrescible, subit une série de traitements, le tannage, la rendant imputrescible et donc utilisable pour la confection de divers articles.
L’élevage
Le premier paramètre influençant la qualité du cuir, et de loin le plus important à mon sens, est donc la qualité de vie de l’animal. Et oui, c’est comme pour nous ! Pour que l’animal ait une belle peau il lui faut une alimentation saine et suffisante, de l’espace et du grand air. Prenons un exemple : une vache élevée dehors, en troupeau, avec de l’herbe dans son pré et de l’espace pour courir, donnera une meilleure viande et un meilleur lait qu’une vache entassée avec ses copines dans un petite stabulation sur ciment, et nourrie avec des granulés. Et il en est de même pour le cuir ! (mon exemple est bien sur caricatural).
Une tannerie sérieuse choisira donc ses peaux avec soin (fibres serrées, peu de cicatrices etc) et connaitra leur origine. Elle participe ainsi à la valorisation des élevages respectant au maximum le bien-être animal. Et je vous rassure, aucun animal n’est abattu pour sa peau. L’industrie du cuir au sens large permet au contraire de valoriser un « déchet » d’abattoir, la viande étant destinée à la consommation humaine.
La tannerie
Une fois à la tannerie, la peau subit divers traitements permettant sa transformation en produit fini, prêt à être travaillé par un sellier / maroquinier / cordonnier. La qualité de cette transformation est le second paramètre influençant la qualité du cuir. Les étapes sont en effet nombreuses et demandent un vrai savoir-faire : trempe, ébourrage, écharnage, sciage, déchaulage, tannage, dérayage, teinture, nourriture, corroyage, finissage…
On ne va pas rentrer dans les détails, mais il est intéressant de s’arrêter quelques instants sur trois étapes :
Le tannage :
- Il peut être végétal (technique la plus ancienne) : réalisé à partir de tannins naturels (chêne, bouleau, mimosa…) et permet d’obtenir un cuir ferme qui se patinera dans le temps.
- Ou minéral : réalisé dans ce cas à partir de sels de chrome (le plus souvent), de fer, d’alumine… et permet alors d’obtenir un cuir plus mou et n’évoluant pas dans le temps.
Les cuirs produits présentent des caractéristiques différentes qui répondent alors à des contraintes différentes. Par exemple le cuir minéral est parfaitement adapté à une utilisation dans la sellerie marine pour sa résistance aux embruns ; le cuir végétal, ne contenant pas de substance allergisante, est en revanche plus indiqué pour être au contact de la peau.
La teinture :
Elle permet de colorer le cuir uniformément. Suivant les techniques utilisées, la teinte sera plus ou moins prise dans la masse (dans l’épaisseur du cuir), ou juste en surface, ce qui va influencer la longévité de la couleur.
La nourriture :
Des matières grasses sont utilisées pour augmenter la souplesse du cuir et la résistance au déchirement. Cette étape est donc très importante pour la solidité finale du cuir, et sa résistance aux diverses agressions extérieures (contact avec l’eau et la transpiration, exposition au soleil…).
Enfin, certaines étapes peuvent être ajoutées pour donner un effet particulier au cuir, un trompe-l’œil en quelque sorte : un grain particulier (effet croco par exemple), de la brillance (effet laqué, pailleté…), etc. Cela peut alors être un bon moyen de cacher des défauts pour des revendeurs peu scrupuleux…. Mais nous ne rentrerons pas dans ce débat.
Vous l’aurez compris, l’origine et la qualité du cuir sont particulièrement importantes pour la qualité et la tenue dans le temps de l’article fini. Et vous vous en doutez, un cuir de qualité, donc un cuir durable, est cher ! Pour vous donner une idée, les premiers prix peuvent être en dessous de 60€/m2, et les cuirs de luxe peuvent dépasser les 200€/m2. Si vous trouvez un article en cuir à très bas prix, il y a donc de fortes chances pour qu’il s’agisse d’un cuir de bas étage (élevage, tannerie, ou bien souvent les deux). Un sellier consciencieux doit pouvoir vous renseigner sur l’origine des cuirs qu’il utilise, la tannerie dont ils sont issus, et pourquoi il a fait ce choix.
Mais on s’éloigne un peu de notre sujet. Revenons à nos moutons !
L’entretien du cuir
Si on résume, un cuir de qualité et en état ne craque pas (sauf si on lui en demande trop, mais là c’est encore une autre histoire), et il a déjà été bien nourri et protégé au moment de sa transformation.
Dans le cadre d’un entretien régulier, le graissage n’est donc pas nécessaire de façon rapprochée ! Oui vous avez bien lu ! La graisse restera en surface, rendant le cuir glissant (qui n’a jamais vécu ça ?!), voire pire, complètement mou. D’un autre côté, si vous espérez améliorer un cuir de basse qualité, vous avez bien peu de chance d’y parvenir. L’aspect de souplesse apporté par le graissage n’est que temporaire et ne compense en rien une éventuelle faiblesse dans les fibres du cuir ou un mauvais tannage.
Refaire une beauté à un cuir abîmé
L’action de graissage est donc à réaliser seulement de façon ponctuelle, ou pour refaire une beauté à un cuir ayant un peu souffert. Dans ce cas, pensez bien que la meilleure hydratation que vous pouvez offrir à un cuir sec, c’est l’eau ! Le nourrissage à privilégier, en complément d’une bonne hydratation, sera alors de type huile de pied de bœuf, qui pénétrera plus efficacement dans les fibres du cuir.
Pour un cuir vraiment en mauvais état, n’hésitez pas à vous adresser à un sellier qui saura vous conseiller spécifiquement en fonction du type et de l’état de votre cuir.
L’entretien courant de votre matériel
Vous allez me dire « tout ça c’est bien beau, mais comment je fais pour l’entretien courant alors ? ». Et bien rien de plus facile !
Au quotidien, un simple NETTOYAGE à l’éponge humide et au savon glycériné est suffisant. Il ne s’agit pas pour autant de faire un shampoing à votre pièce de cuir, avec mousse à gogo. Votre éponge doit être suffisamment essorée pour ne pas mousser. Passez-la ensuite sur toute la surface du cuir, sans rincer. Cette action toute simple et relativement rapide devrait idéalement se faire après chaque utilisation, afin d’enlever les traces de sueur. Et oui, la vraie ennemie du cuir, ce n’est pas l’eau, mais la transpiration de nos chers chevaux, qui est très acide. Le savon permet alors de bien l’ôter, alors que la glycérine constitue une petite couche protectrice en vue de la prochaine séance.
Pour compléter la PROTECTION de surface du cuir, appliquez régulièrement un baume à la cire d’abeille (toute les 5 à 10 séances en fonction des conditions / intensité de travail). La cire permet de limiter les frottements et donc l’usure de vos pièces de harnachement. Cette action n’est pas forcément nécessaire sur la briderie, mais je vous la recommande vivement pour vos selles ! Elle protègera ainsi les quartiers du frottement des étrivières et participera limitera l’attaque de la transpiration sur le veau des matelassures.
Enfin, le NOURRISSAGE se fait de façon ponctuelle pour ne pas saturer le cuir. Utilisez une graisse pour cuirs ou tout simplement une huile végétale de type lin, noix ou olive à appliquer au pinceau. En fonction de votre intensité de pratique, à faire quelques fois par an (de 1 fois/mois pour un matériel servant quotidiennement, à 1 ou 2 fois/an). Lors de ces séances d’entretien, procédez à un soin complet : nettoyage minutieux, nourrissage, puis protection une fois que le gras a été bien absorbé.
Dans les écuries, on entend souvent dire que le savon de Marseille est aussi efficace que le glycériné. Alors, effectivement, il peut dépanner. Mais sur le long terme, le savon glycériné reste incontestablement indétrôné ! Et je vous rassure, on en trouve presque aussi facilement que son cousin du lave-main, en droguerie ou dans n’importe quel rayon de « sellerie ».
Le stockage de vos cuirs
Pensez à stocker votre matériel dans de bonnes conditions. On choisira de préférence un lieu avec une aération / circulation de l’air suffisante pour éviter les moisissures, et une légère humidité ambiante évitant au cuir stocké de se dessécher avec le temps. En hiver, évitez la proximité des radiateurs ou autres sources de chaleur (feu de cheminée, poêle…). En général, les écuries offrent donc d’assez bonnes conditions !
Avant une réparation…
Enfin, je pense là à tous mes collègues selliers, si vous apportez une pièce de cuir à réparer, pensez à la nettoyer UNIQUEMENT au savon. Il n’y a rien de pire que de devoir reprendre une couture sur un cuir fraîchement graissé…
Voilà ! Maintenant vous savez tout ! Alors bon nettoyage !
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Sources :
Yves Tartaud – Formation au métier de sellier-harnacheur, cours théoriques sur le tannage et le cuir
P. BROUX, 2013. Manuel de sellerie. Edition Belin, mai 2013, 223 p.
Tannerie Radermecker, Tannerie Arnal, Tannerie Gal
Photos : Céline Gombert – Atelier Alhéna
Image animée : http://www.gifsanimes.com